Santé, habitat et chaleur estivale : constats et actions à mener

En 2022, la Bretagne a battu de nouveaux records de chaleur en ville, notamment à cause du phénomène d’îlot de chaleur urbain. Les impacts sur la santé des habitants, et en particulier des personnes vulnérables, sont nombreux et doivent être pris en compte pour repenser l’aménagement du territoire et nos choix de construction.

Nuits tropicales et îlots de chaleur à Rennes

L’extension des surfaces urbanisées génère des phénomènes climatiques locaux dont les îlots de chaleur urbain (ICU) sont la manifestation la plus marquante. Il s’agit d’un phénomène nocturne résultant de la restitution de la chaleur accumulée pendant la journée par les bâtiments et les surfaces non végétalisées. Il est plus intense lorsque la situation météorologique est radiative (vent et couverture nuageuse faibles). Ces ICU sont des facteurs d’aggravation des risques de mortalité lors des vagues de chaleur car le seuil de récupération physiologique nocturne (température inférieure à 20°C, on parle sinon de « nuit tropicale ») n’est alors pas atteint : ce phénomène a été particulièrement étudié en 2003.

À Rennes, les mesures réalisées depuis 20 ans montrent que les ICU de forte intensité (plus de 4°C de différence entre le centre ville et la campagne environnante) sont observés dans 16,5% des nuits et surtout l’été : le 18 juillet 2022 un ICU record de plus de 9 degrés a été observé ! Cette même année 2022 a été caractérisée par une valeur remarquable de 8 nuits tropicales dans le centre de Rennes alors que la moyenne interannuelle observée au poste météorologique de Saint Jacques de la Lande est inférieure à une journée par an (figure 1) ! À l’échelle des villes, le réchauffement climatique global est donc accentué (et d’autant plus que la ville est étendue et verticale) par le réchauffement local provoqué par l’artificialisation des surfaces.

Figure 1 : Nombre de nuits tropicales à Saint-Jacques de la Lande (en vert depuis 1945) et à Rennes-centre (en rouge depuis 2003). Source : run.letg.cnrs.fr

L’urbanisme et l’aménagement urbain sont des moyens de lutter contre ce phénomène. La couleur des bâtiments et des voiries (effet d’albédo1), la mise en place de surfaces en eau ou végétalisées ainsi que le contrôle de l’artificialisation des sols sont autant de leviers d’action que l’on peut préconiser à l’échelle locale, et dont certains ont fait l’objet de décrets nationaux en 20222.

Les impacts multiples et délétères de la chaleur sur la santé

Des températures inhabituellement élevées sont associées à une augmentation de la morbidité et de la mortalité, constatée de nouveau en juillet et août 2022 en Bretagne. L’exposition du corps humain à de fortes chaleurs ou des canicules entraîne en effet une réaction physiologique de l’organisme qui lutte pour maintenir une température interne d’environ 37°C. Une exposition prolongée à des températures élevées provoque alors un épuisement de l’organisme qui se manifeste par une grande diversité d’effets sanitaires (symptômes cardiovasculaires, respiratoires, digestifs, rénaux, déshydrations). Des impacts non négligeables sur la santé mentale et la santé au travail sont également à souligner. Lorsque la chaleur est intense et se maintient, tant en journée que durant la nuit, l’impact en termes de recours aux soins et de mortalité augmente significativement. Aux températures les plus extrêmes, un emballement de la mortalité peut s’observer3 : lors des trois vagues de chaleur successives de l’été 2022 (figure 2), un excès de décès de 168 personnes, pour une surmortalité relative de +20% ont été mesurés4.

Figure 2 : Nombre de décès quotidiens en Bretagne sur la période 2019-2022. Source : insee.fr

Le risque sanitaire de l’exposition à la chaleur existe même en dehors des températures extrêmes. Les personnes les plus vulnérables sont les personnes âgées, les nourrissons, les personnes souffrant de maladies chroniques, sous médication, les personnes handicapées, isolées, dépendantes ou fragiles ainsi que les personnes précaires, les travailleurs exposés à la chaleur à l’extérieur ou à l’intérieur et les femmes enceintes. Pour l’été 2022, les 75 ans et plus représentaient plus de 80% des décès en excès. La diminution du risque sanitaire encouru par l’exposition à la chaleur passe à la fois par l’adoption de mesures de prévention individuelle, de lutte contre le phénomène d’ICU et d’évolution des pratiques des choix de construction, d’aménagement et d’urbanisme.

S’adapter ET atténuer le réchauffement climatique à travers nos choix constructifs

En termes d’habitat, lutter contre le réchauffement climatique est avant tout assuré en limitant notre consommation de chauffage et de climatisation. Pour cela, le choix d’une haute performance hygrothermique des enveloppes des bâtiments, permettant une bonne régulation de la température et de l’humidité intérieures, est essentiel. Sans système de climatisation, il est possible de réguler la température intérieure d’un logement en été lors des fortes chaleurs, en disposant des matériaux d’isolation créant une « masse thermique » et assurant à la fois un déphasage (temps que met la chaleur à traverser un matériau) et un lissage des températures entre l’ambiance extérieure et l’ambiance intérieure des logements (figure 3). Ceci doit permettre de limiter l’usage de systèmes de climatisation en Bretagne, qui bénéficie d’un climat relativement doux par rapport au reste de la France métropolitaine. En 2020, on recense 28 GWh de consommation pour le refroidissement des bâtiments en Bretagne (plus le département de la Manche, zone climatique H2a), contre 4900 GWh sur l’ensemble de la France métropolitaine5.

Figure 12 : Variations des températures extérieures (en rouge) et intérieures (en bleu) lors de la semaine de forte chaleur de juin 2022, dans une maison d’habitation à Séné (Morbihan). On voit que l’inertie thermique permet de décaler et limiter les variations et la valeur maximale de la température intérieure, qui atteint tout de même 27,8°C le 18 juin, journée la plus chaude (40,6°C à l’ombre à 13h). Réalisation HCBC.

Depuis le 1er janvier 2022, une nouvelle réglementation thermique et environnementale, la RE2020, est en vigueur pour les bâtiments neufs résidentiels, de bureaux et d’enseignement primaire et secondaire6. Cette réglementation est en rupture avec les précédentes sur deux points essentiels : pour l’adaptation, un fort renforcement des exigences concernant le confort d’été, et pour l’atténuation, la mise en place de seuils maximums d’émissions de GES liés à la construction (matériaux) et à l’usage des bâtiments (systèmes de chauffage, d’éclairage, d’eau chaude sanitaire, VMC, etc.). Il faudra à court terme renforcer encore les exigences, notamment pour le secteur tertiaire et la rénovation. C’est un enjeu majeur car les constructions résidentielles neuves représentent moins de 1% du parc immobilier chaque année. Il sera alors possible d’envisager un habitat et un urbanisme qui assurent une adaptation au dérèglement climatique tout en contribuant à son atténuation, dans un objectif d’amélioration de notre confort et de notre santé. 


  1. Pouvoir réfléchissant d’une surface donnée en fonction de sa couleur. ↩︎
  2. Journal Officiel, décret n° 2022-763 du 29 avril 2022 ↩︎
  3. Santé Publique France, 2019, S’adapter à la chaleur dans un contexte de changement climatique ↩︎
  4. Bulletin de santé publique canicule en Bretagne, bilan de l’été 2022 ↩︎
  5. ADEME, 2021, La climatisation de confort dans les bâtiments résidentiels et tertiaires ↩︎
  6. Règlementation Environnementale RE2020 ↩︎